Une offre d’abonnement en psychotherapie ?!
“La santé mentale, on ne le répètera jamais assez, est aussi importante que la santé physique.” Les deux marchent de concert ! Et si je reprenais au cabinet quelques codes de l’environnement sportif et de sa pratique quotidienne? A savoir… l’abonnement à la salle. Je partage ici mes réflexions. Je serai ravi de lire vos commentaires.
Une idée saugrenue?
Je suis sportif.
J’ai fréquenté un fitness club (mon physique ne le montre pas…) et une salle d’escalade. J’ai alors dû payer un abonnement. Plusieurs propositions: à la séance; pour une dizaine de séances, au mois ou à l’année et même… à vie !
Et si je faisais cela au cabinet?
Oui… Pourquoi pas?
Est ce que ce serait au service des patients? (Car c’est ça LA priorité!)
Dans mes deux cas sportifs, l’engagement financier m’a engagé dans la pratique et j’ai progressé.
Serait-ce plutôt à mon service ? Les deux ne sont pas opposables d’ailleurs.
Est ce que c’est éthique? moral?
Peut-on aller carrément jusqu’à la carte de fidélité? La 10e séance offerte ?!
…
De prime abord, c’est n’importe quoi non? J’ai envie d’enterrer l’idée. Mais ce sont souvent celles-là qui valent le coup de s’y pencher un peu, car, et si finalement… ce n’était pas si absurde.
Je m’apprêtais à faire une liste de pour et de contre mais finalement j’ai l’impression que ça ne s’articule pas comme ça. Voyons cela.
L’engagement dans sa continuité au service du patient
A la salle de sport, on sait que ce n’est pas une seule séance qui va nous permettre d’être définitivement musclé. Ça s’entretient. On ne peut aussi passer à la voie de niveau supérieur qu’en retournant devant les murs.
L’abonnement rendrait compte de la nécessité de s’engager pour obtenir des résultats. On me demande souvent “combien de séances il faut pour…”. Ce qui est sûr c’est qu’il en faut plusieurs, régulières et rapprochées. En tous cas au début.
L’abonnement aurait cette vertu d’encourager et soutenir la régularité. L’existence même de cette modalité dans mon offre de soin (sans l’adhésion nécessairement !) permet de comprendre au premier coup d’œil que tout nécessite de l’entraînement, de la pratique. Le.a patient.e devient encore plus acteur.ice de sa thérapie.
Le cerveau n’est pas un muscle. Mais la santé mentale s’entretient. Car la vie nous offre de nombreux évènements: des difficiles à “digérer”, à dépasser, à accepter. Et aussi des bons, des joyeux à ancrer ! Occasion d’une digression qui méritera un article: aller chez le psy quand ça va bien ! C’est tellement utile aussi !!
Payer trop d’un coup?
Le premier loup de l’abonnement est son coût ! 10 séances à mon cabinet, c’est 700€. C’est en gros 3 mois de thérapie. C’est un budget! Il faut des réserves sur son compte bancaire pour pouvoir les sortir sans se mettre dans le rouge. Or je souhaite vraiment offrir à tous.tes la possibilité de me rencontrer, sans condition (je vous renvoie à mes articles sur l’argent et la psychothérapie). Il est donc clair que proposer un paiement à la séance doit être poursuivi.
L’abonnement ne peut PAS être généralisé. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour enterrer l’idée.
Des modalités d’abonnement à travailler
Quelle durée d’abonnement?
Certainement pas à vie. Ce serait malvenu et je n’aurai pas bien travaillé. Certes, la vie continuant, malgré un travail sur soi profond, on peut sentir qu’on a besoin du renouvellement d’un soutien extérieur. Mais la thérapie marche en cycle. Le.a patient.e sait qu’il peut à tout moment reprendre rendez-vous s’il le souhaite.
En effet, le but d’une thérapie est qu’elle soit transitoire. Combien de métiers mesurent leur succès par la disparition de leur utilité? Je dois donc incarner un soutien transitoire, plus ou moins prolongé selon les besoins mais je dis souvent à mes patients que s’ils ne sentent pas de “mieux” au bout de 6 mois, c’est que je fais mal mon métier. Donc des versions d’abonnement de 3 à 6 mois me paraîtraient cohérentes.
Je rappelle en passant que ce n’est jamais la “faute” du patient mais du thérapeute si ça n’”avance” pas. En tous cas, c’est ce que je considère. Et c’est notamment pour ça que je suis supervisé. Je soumets le cas à la sagacité de mon réseau quand je sens une difficulté dans mon accompagnement.
Un abonnement a toujours une validité. Imposer une durée de validité revient à imposer un nombre de séances sur une certaine durée. Or il y a une règle: le.a patient.e décide de son rythme. On traite avec le vivant. A la salle de sport aussi me direz-vous mais ce n’est pas du tout le même plan. On n’aide pas un.e patient.e sans sa participation active.
Mais certains se réjouiront de sentir ce cadre, cette prise en charge. Pendant une période définie en amont, il y a N séances à faire.
Il s’agit donc pour moi d’être très bien régulé et conscient que ce cadre doit être temporaire, et le rappeler.
Oui, peut-être que la solution est là: un abonnement non reconductible. Car le.a patient,.e s’il.elle ne le savait pas encore, doit réaliser que c’est pleinement son choix. De prendre complètement les rênes de sa thérapie.
Une obligation de résultat?
Je me demande si ouvrir ce type de fonctionnement n’est pas aussi la construction implicite d’attentes de résultats. Or je proscris autant que faire se peut l’implicite dans ma pratique (pour des raisons liées aux principes de l’attachement qui sont hors sujet ici).
Un thérapeute à l’obligation de moyens. Pas de résultat. Il doit aussi accompagner s’il voit ses limites en orientant vers quelqu’un d’autre.
Toutefois… je renvoie au point précédent sur l’engagement dans sa continuité qui est une condition pour obtenir des résultats.
La 10e séance offerte?
Je ne crois pas que cela pourrait créer de la dépendance que de faire ce genre d’offres. Mais je ne suis pas adepte du message que cela communique et des codes de la consommation que cela reprend. Je m’y refuserais. Je n’épilogue pas plus. C’est ma limite personnelle éthique actuelle. La santé business me gêne. Je craindrais de m’inscrire dans cet esprit.
Une idée qui traduit mon insécurité?
Cette question se pose aussi ! Il faut la mentionner et y répondre. Le métier de thérapeute, les métiers libéraux en général vivent une insécurité financière supérieure à celle des métiers salariés. Même si personne n’est à l’abri d’un licenciement, je pense que le.la lecteur/rice m’accordera cela.
L’abonnement me permet de gagner en visibilité financière et temporelle. Cela permet de gagner en confort en quelque sorte. C’est à mon service.
Partager mes doutes et mes interrogations sur la modalité d’abonnement me paraît rassurant pour ne pas mettre mon intérêt avant celui des patients.
Mais la relation thérapeutique doit être une relation équilibrée. Pour prendre soin de mes patients, je dois être attentif à moi (cf. article “moi d’abord!”). C’est aussi pour cela par exemple que j’accepte de revoir exceptionnellement le tarif de ma séance mais avec parcimonie, dans certaines limites.
Un abonnement déjà en cours dans mon cabinet (!)
D’ailleurs, j’y pense ! C’est finalement ce que j’ai pu mettre en place avec un patient (que je nomme ici Patrick) sans m’en rendre compte. Je raconte.
Patrick et moi établissons une relation thérapeutique. Il me parle de ses difficultés à gérer son budget. En effet, nous remarquons qu’après 3 mois, nous avons pris “l’habitude” d’accepter en confiance mutuelle que les séances de fin de mois soient payées le mois suivant. Il est mal à l’aise avec cela. Il veut mieux investir la thérapie qui l’aide déjà. Il a honte de me payer en retard. Nous le traitons en séance. Mais… inattendue, émerge de nos échanges une “solution” qui lui convient: il me règlera les séances du mois au début du mois. Cela l’apaise, le soulage. Il s’engage ainsi à mieux me respecter (selon lui. Il n’y avait pas cet enjeu pour moi) et surtout il concrétise son engagement pour sa santé mentale. Evidemment, on a mis en place un cadre / une souplesse. Je ne sais pas combien de temps cela durera mais tant que c’est à son service, je ne vois aucune raison de refuser ce fonctionnement.
Un panel d’offres. Pas une offre unique.
Peut être qu’on ne peut pas mettre de règles car c’est au cas par cas mais écrire cet article permet de pointer certains points sensibles sur une idée apparemment banale et inoffensive. Finalement, je peux proposer cette façon de fonctionner à tout le monde et chaque patient.e verra ce qui lui convient. Il n’y a jamais de solution miracle.
Peut on imaginer une offre comme celle-là en prenant contact en ligne avec un thérapeute?
Mais proposer une telle modalité est tellement nouveau, associée à la consommation et non au soin (en tous cas pas thérapeutique) que ça pourrait demander beaucoup de temps et d’énergie à expliquer et faire adopter à un.e patient.e qui fait déjà l’effort de sa démarche !
Je ne suis pas encore prêt à le faire mais ça a le mérite de faire réfléchir, n’est ce pas?
Seriez vous prêt.e à vous abonner avec un thérapeute? Pour combien de séances?
Commencez déjà par vous abonner à mon blog, c’est déjà un premier pas ! ^^_^^
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